Janvier 2010
C’est le vide complet.
Je dois me rendre à l’évidence, je ne comprendrai jamais les personnes qui s’ennuient, passent des heures, tous les soirs, devant des jeux vidéos ou devant la télévision. Je n’ai déjà pas de temps libre, s’il fallait trouver le temps de m’ennuyer….
Ça commence tôt le matin, je pars travailler au charbon numérique, faire tourner la machine à pixels, fouetté par de la fibre optique. J’apporte ma modeste contribution au bon fonctionnement d’un important réseau d’ordinateurs qu’un des anciens, un certain Robert Kahn, avait intelligemment baptisé : « internet » … Vers 18 heure en moyenne, je quitte la mine, les doigts encrassés de pixels, la tendinite du poignet latente, les yeux rougis et pleins d’un espoir pas banal : retrouver la réalité non-plate, cette qui ne frétille pas en 60 Hertzs, celle qui donne des bleus et dans laquelle on doit prendre un bus pour rentrer chez soi, oui un bus plutôt qu’un email, pourtant l’email est plus rapide… selon mon contremaître, me mettre en pièce jointe pour rentrer chez moi c’est trop lourd, le serveur de mail refuse et le chef d’atelier me conseille autre chose : je dois donc prendre le bus, ou rentrer à pied.
Habitué aux flâneries que tout ancien RMIste à l’habitude de pratiquer, lorsque je rentre chez moi j’en profite pour faire un peu de shopping utile. D’autant que je n’ai plus de linge propre, je me dois d’être présentable devant les collègues : je vais acheter quelques belles fripes en cette saison froide.
la distance totale de mon périple (tout à fait classique…) est de 6.74 Km, cela a duré 1h35 et 16 secondes, le temps de déplacement (pieds + bus) est de 54 minutes et 40 secondes, la vitesse maximum était de 49.5 km/h (ça c’est le bus) la vitesse moyenne que vous pouvez calculer d’ailleurs… est de 4.26 km/h, le dénivelé cumulé de cette escapade roubaisienne : 331 mètres pour une altitude maxi de 138 mètres. Le résultat : 130 euros échangés contre 3 pantalons, un pull-over, une chemise, une paire de pompes et une ceinture.
Pour avoir précisément toutes ces infos j’ai simplement dû cliquer sur une jolie icone « tracks » de mon téléphone mobile. Arrivé chez moi, j’ai reçu ce compte rendu par email. C’eût été pratique en d’autres circonstances… Boarf, finalement c’est tout à fait idéal, pour les services de renseignements qui pourront me zigouiller discrètement, comme le ferait un accident de camion ou une agression qui tourne mal si je devais un jour mettre en péril la souveraineté française sur son territoire, j’ai encore du boulot pour y arriver.
Bref, tout ça pour continuer mon histoire, je rentre chez moi et, au lieu de me poser tranquillement pour regarder le DVD n°3 de Derrick avec un bon single malt 18 ans d’âge, je déverrouille mon mulot, et aide quelques très charmantes amies à la présence du Treknfolk Festival 2010 sur internet – vous savez, le grand réseau… j’en ai parlé plus haut.
Je m’endors épuisé, vers 2 heures du matin pour recommencer le lendemain, 8h, levé, boulot, quelques courses, etc.
Voila pourquoi janvier 2010 est pour moi le grand vide, je n’ai pas le temps de lire ! je suis obligé de vivre, c’est plutôt énervant, déconcertant, mon moral en prend un sacré coup : je suis heureux, je n’arrive pas à déprimer. Que c’est triste et vide d’être heureux, que c’est morne, sans puissance, sans force de volonté.